Les traces pédologiques sont des indices souvent méconnus et pourtant présents sur diverses scènes de crime. Leurs analyses peuvent éclairer l'enquêteur sur le passage d'un véhicule ou d'une personne à un endroit précis, sur l'utilisation d'un outil dans le cadre d'un vol ou de violences, ou lors de la découverte d'un cadavre, permettant ainsi d'établir un lien entre un individu et un lieu. Actuellement, la stratégie utilisée au sein de l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale repose uniquement sur une comparaison d'échantillons de terre provenant généralement d'un support (chaussure, pantalon, etc.) et d'un échantillon de comparaison qui provient d'un lieu précis. Chaque échantillon est séparé en 3 phases : argileuse, sableuse et macrorestes, puis comparé à l'aide de différentes techniques analytiques (Diffraction des rayons X, Microscopies optique et électronique couplée à la spectrométrie à dispersion d'énergie et Analyse thermogravimétrique). Cependant, il n'existe aucune possibilité de « localiser » un échantillon de terre sur le territoire national malgré un intérêt certain (cold case, recherche de corps, etc.).
De Caritat et al. 2019 démontre la faisabilité des techniques de «Predictive Soil Provenancing (PSP) » en Australie, à l'aide d'un Système d'Information Géographique et d'une base de données conséquente. En utilisant des méthodes de krigeage sur des paramètres du sol publiés par le Commonwealth Scientific and Industrial Organisation de recherche (CSIRO), il est possible de réduire la zone de recherche de 77 à 40 % de la zone initiale, lorsque les 6 variables retenues sont considérées individuellement, et jusqu'à 8 % de la zone initiale, par un traitement multivariable. D'autres méthodes de géolocalisation (Lark et al. 2008 ; Guo et al. 2022) utilisent des modèles géostatistiques : Lark et al. 2008 définit une fonction de vraisemblance, dont l'argument est l'emplacement dans l'espace, qui est la probabilité que l'échantillon de provenance inconnue provienne de cet emplacement ; à l'aide de paramètres résultant d'analyses sur l'échantillon et d'une base de données contenant les mêmes informations provenant de sites connus, Guo et al. 2022 retrouve la provenance de quatre-vingts sols analysés issus de huit villes différentes en en couplant l''analyse en composantes principales (ACP) et l'analyse par regroupement hiérarchique (HCA) pour réduire la dimensionnalité, l'identification des marqueurs élémentaires et la classification des sols en fonction de la ville de provenance, puis par un modèle K-Nearest Neighbors (KNN) appliqué pour évaluer la capacité de prédiction en fonction de la composition élémentaire du sol.
Afin de déterminer quelle stratégie permettrait de localiser un échantillon sur le territoire français, rapidement et à faible coût, y compris à partir des plus petites traces, ces différentes méthodes sont testées. Pour cela, les variables discriminantes (teneurs, pH, anomalies, ratio isotopiques etc.), sont d'abord identifiées et hiérarchisées. Les différentes bases de données sont recensées, notamment le Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (RMQS) issu du GIS-SOL. Enfin, une méthode bayésienne a été développée par le centre de Géosciences de Fontainebleau : elle diffère de la méthode de Lark et al. par le calcul des transformées gaussiennes des variables préalable à l'analyse en composantes principales (ACP) pour en déduire des facteurs point à point non corrélés ainsi que par le calcul par espérance conditionnelle (au lieu du krigeage disjonctif) de la densité de probabilité des facteurs gaussiens observés de l'échantillon question.
Ces méthodes sont comparées dans une démarche de validation croisée.
[1] P. de Caritat, T. Simpson, et B. Woods, « Predictive Soil Provenancing ( PSP ): An Innovative Forensic Soil Provenance Analysis Tool », J. Forensic Sci., vol. 64, avr. 2019, doi: 10.1111/1556- 4029.14060.
[2] R. M. Lark et B. G. Rawlins, « Can we predict the provenance of a soil sample for forensic purposes by reference to a spatial database? », Eur. J. Soil Sci., vol. 59, no 5, p. 1000‑1006, 2008, doi: 10.1111/j.1365-2389.2008.01064.x.
[3] H. Guo et al., « Mineralogical and elemental data for soil discriminating and geolocation tracing », Sci. Justice, vol. 62, no 1, p. 76‑85, janv. 2022, doi: 10.1016/j.scijus.2021.12.003